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mardi 23 février 2010

Jeanne LANVIN, une success-story au féminin


Après vous avoir parlé de Coco CHANEL et Madeleine VIONNET, voici à présent un autre grand nom féminin de la couture française : Jeanne LANVIN. Si j'ai choisi de parler d'elle ce n'est pas tant pour la qualité de ses créations que pour la réussite faite femme qu'elle représente. En effet, Jeanne LANVIN est ce qu'on appellerait aujourd'hui une self-made woman, partie de rien et arrivée à la tête d'un véritable empire, grâce notamment à des techniques commerciales nouvelles jusqu'alors.

Jeanne LANVIN n'était pas prédestinée à devenir ce grand nom de la mode que l'on connaît aujourd'hui. Née en 1867 dans une famille relativement pauvre (son père travaille au journal Le Rappel, fondé par Victor Hugo), et l'ainée d'une fratrie de 11 enfants, elle commence à travailler à l'âge de 13 ans, en tant que trottin pour le compte d'une modiste, ce qui lui vaut rapidement le surnom de "petite omnibus". A 16 ans, elle rentre chez Madame Félix où elle fait ses armes en tant qu'apprentie modiste.

Deux ans plus tard, en 1885, elle décide, bille en tête, de se mettre à son compte avec pour toute et seule garantie, un louis d'or, une avance consentie par ses fournisseurs et un optimisme sans faille. Elle consacre toute son énergie à son activité, travaillant d'arrache-pied de jour comme de nuit, gérant elle-même chaque étape de la vente, de la création à la livraison. Et la persévérance paye puisqu'elle obtient rapidement un certain succès auprès d'une clientèle aisée séduite par la simplicité élégante de ses chapeaux.

En 1895, Jeanne, alors âgée de 28 ans, épouse le comte Emilio di Pietro, un séducteur rencontré au cours d'une de ces mondanités que Jeanne fréquente pour observer ses contemporains et capter l'essence qui inspirera son travail. Si leur mariage est anecdotique tant sur le plan qualitatif que de la durée (ils divorceront en 1903), il donnera à Jeanne la chose la plus précieuse : une fille, Marguerite, née en 1897.


Robes de jeunes filles, 1920
Illustrations Pierre Brissaud

Avec Marguerite, la carrière de Jeanne prend un nouveau tournant. En effet, Jeanne qui confectionne alors des tenues pour sa fille adorée, se voit vite chargée par ses clientes aisées de faire de même pour leurs progénitures. Devant ce succès, Jeanne crée alors un département enfants, une première. En 1908, devant la demande pressante de ses clientes, elle crée le département jeunes filles et femmes.

 
Robes de danse des années 20. Un exemple de créations
influencées par les cultures étrangères, notamment la Grèce

De succès en succès, la maison LANVIN gagne en stature et en réputation, désormais internationale. En 1901, elle crée le premier costume d'Académicien. En 1915, elle franchit l'ocean pour participer à l'Exposition Internationale de San Francisco, et en 1917, redessine même l'uniforme militaire américain. La guerre, qui n'entâche que peu les ventes, oblige Jeanne à composer avec la pénurie de tissu. Alors que Chanel se tourne vers des matières innovantes comme le Jersey, Lanvin elle n'y va pas par quatre chemins et, en femme d'affaires qu'elle est, n'hésite pas à ouvrir sa propre usine textile à Nanterre en 1923.

Robe de Mariée et robe de style, 1927

Côté vie privée, elle se remarie en 1907 avec Xavier Melet, alors journaliste du "Temps". Nommé par la suite consul, Melet emmène sa femme au cours de ses nombreux voyage, ce qui permet à Jeanne de goûter et d'apprécier les autres cultures, tant par leur histoire que leur esthétique. Aspect déterminant qui marquera Jeanne et l'inspirera dorénavant pour son travail. En France, la mode est déjà à l'orientalisme (voir les créations de Paul Poiret) et assure donc aux nouvelles créations de Jeanne un succès immédiat.

Robes de soir, années 30

En 1925, pour l'exposition des Arts Décoratifs, Jeanne Lanvin se voit confier la vice-présidence d pavillon de l'élégance. C'est à cette occasion qu'elle rencontre et commence une longue et féconde collaboration avec l'architecte d'intérieur Armand RATEAU. Non content de rédécorer les appartements de Jeanne, il devient le décorateur exclusif de la maison Lanvin.

Robes du soir, 1937

Jeanne, toujours plus entreprenante, ouvre des succursales dans toutes les villégiatures à la mode (Deauville, Le Touquet, Biarritz, Cannes) et, créant sans cesse de nouveaux départements (LANVIN Tailleurs, LANVIN sport, LANVIN Fourrures, LANVIN Lingerie mais aussi LANVIN Parfums et LANVIN Décoration), se voit bientôt à la tête d'un véritable empire.

Décidemment toujours plus en avance sur le plan marketing, Jeanne Lanvin comprend l'importance de la communication et de l'image. Elle fait des campagnes publicitaires dans toutes sortes de publications, habille les comédiens (elle sera en charge notamment des costumes du film "Les enfants du Paradis" et de nombreuses pièces de Sacha Guitry ), choisit des "égéries" pour  réprésenter la maison LANVIN, et habille des actrices (Yvonne, Printemps, Cécile Sorel, Arletty).

Publicité LANVIN parue dans
l'Officiel de la mode, 1921

En 1938, à 71 ans, elle se voit remettre la légion d'honneur par son ami Guitry et, au lendemain de la guerre, elle décide de prendre sa retraite, en ayant auparavant pris soin d'avoir placé sa famille aux postes clef de la maison LANVIN. Elle meurt en 1946, laissant derrière un empire qui perdurera jusqu'à aujourd'hui. En 1996, après le rachat de LANVIN par le groupe L'Oréal, c'est une page qui se tourne : le département Haute-Couture ferme ses portes pour ne garder que le département Prêt-à-Porter.
Sacha GUITRY remettant la légion
d'honneur à Jeanne LANVIN



Photos : Lanvin, Parisienne de Photographie, L'Internaute.com, Metmuseum, Chicago History Museum

vendredi 19 février 2010

Dans l'intimité de CHANEL



Il y a un an sortait Mademoiselle Coco Chanel, Summer 62, un livre dans lequel Douglas Kirland présentait une série de clichés inédits réalisés, comme son nom l'indique, pendant l'été 1962.



Kirland, alors jeune photographe à Hollywood (il a notamment photographié Marylin Monroe), avait proposé à Chanel de la suivre pendant trois semaines au cours de cet été 62 et, contre toute attente, elle lui donna son accord. Le résultat : des clichés surprenants et attendrissants, humains, loin des photos posées, montrant la grande couturière, vieillissante mais toujours aussi vaillante, dans l'intimité de son quotidien.



Après le livre, l'exposition : depuis le 11 février, et jusqu'au 3 mars 2010, vous pourrez admirer les tirages de Kirland à la Galerie Basia Embiricos (Paris 14ème).


Source : L'Express Style


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jeudi 18 février 2010

Figures féminines de Montmartre - part. 2/2 : Suzanne VALADON


Après la Goulue, la seconde figure féminine marquante de Montmartre dont j'ai choisi de vous parler est le peintre Suzanne VALADON. Il y a de fortes chances que vous la connaissiez déjà sans même le savoir puisqu'elle a servi de modèle pour de nombreux tableaux, désormais célèbres, de ses amis peintres Toulouse-Lautrec, Degas et Renoir. Son nom et son travail, en revanche, ne vous diront peut-être rien, l'histoire ayant préféré faire la lumière sur ses confrères masculins, fait d'autant plus regrettable que son oeuvre est d'une grande qualité et n'a rien à envier à certains, et si d'aventure on fait référence à d'elle, c'est souvent en tant que mère du peintre Maurice Utrillo. En 2009, la Pinacothèque de Paris a réalisé une exposition consacrée à Valadon, mais encore une fois en face à face avec Utrillon (Au tournant du siècle à Montmartre, Valadon Utrillo, de l’Impressionnisme à l’École de Paris). Un tel choix peut agacer car, s'il est certain que la biographie de Suzanne ne peut être séparée de celle de son fils, et vice versa, en ce qui concerne son oeuvre, elle mérite d'être reconnue en tant que telle, qu'on lui donne une place à part entière, et non une sempiternelle mise en apposition..


Jeune femme assise, 1930


De son vrai nom Marie Clémentine Valade, Suzanne Valadon voit le jour en 1865 dans un village de la Haute-Vienne. Elle est issue d'une histoire sans lendemain  et nait donc de père inconnu. Le scandale provoqué par cette naissance oblige sa mère, dont la réputation a déjà été entachée par la condamnation de son défunt mari au bagne à perpétuité pour traffic de fausse monnaie, à quitter son village. Elle décide alors de refaire sa vie à Paris où elle s'installe dans le quartier de Montmartre avec sa fille, et reprend un commerce de blanchisserie. Suzanne, turbulente et caractérielle, est placée dans une institution religieuse, mais happée par le désir de liberté, elle s'en échappera vite. Elle trouve alors une place d'apprentie dans une maison de haute-couture, puis sa personnalité fantasque aidant, elle décide, à 15 ans, de devenir acrobate de cirque jusqu'à ce qu'une mauvaise chute l'oblige à mettre fin à cette "carrière". Elle travaille alors dans la blanchisserie de sa mère et fait rapidemment quelques à côté comme modèle, ce qui lui permet de faire la connaissance des artistes et de leur mode de vie bohème qui sied à merveille à sa personnalité hors norme.


Nu à la couverture rayée, 1922


Pour autant, Suzanne, puisque c'est ainsi qu'elle se fait appeler désormais, a de l'ambition. De hautes ambitions. Elle compte bien quitter cette condition sociale qui est la sienne, et veut par tous les moyens qu'on l'aime, qu'on l'admire. Malheureusement pour elle, un événement va quelque peu contrarier ses plans : en 1883, à peine âgée de 18 ans, à la suite d'une histoire de passage, elle tombe enceinte et donne naissance à un fils, Maurice, né de père inconnu. Qu'à cela ne tienne, trop occupée à vivre sa vie, elle confie son fils aux soins de sa mère. Convulsions, échec scolaire, maladie des nerfs, le fragile Maurice souffre de l'absence et du désintéret de sa mère.


La chambre bleue, 1923


Pendant ce temps là, Suzanne pose pour Renoir, Toulouse-Lautrec ou encore Degas. Dans les ateliers des peintres, elle observe et apprend. Elle commence déjà à faire quelques dessins à la sanguine. Vocation ou simple désir de se mêler à son entourage, toujours est-il que Degas, qui voit son travail, l'encourage alors à continuer dans cette voie. Toute sa vie durant, il lui prodiguera amitié et soutien indéfectibles..


Autoportrait, 1927

En 1889, à l'occasion de l'exposition universelle qui se tient à Paris, Suzanne renoue avec un de ses anciens amants, Miquel Utrillo y Morlius qui, 3 ans plus tard reconnaitra Maurice comme son fils. Mais la rencontre, en 1893, de Suzanne avec le compositeur Erik Satie marque la fin de leur relation.


Erik Satie, 1893

Elle fait alors un portrait de Satie, sa première huile. L'année suivante, elle rencontre Paul Mousis, un riche homme d'affaire qu'elle épousera 2 ans plus tard. Le couple s'installe dans une grande maison de Montmartre avec un atelier pour Suzanne qui, stabilisée par cette relation, se consacre désormais entièrement à sa peinture.  Et c'est peu de le dire car, en grande perfectionniste, la création d'un tableau peut lui prendre plusieurs années. Suzanne tente d'exposer à l'exposition de la Nationale de 1895 et devient ainsi la première femme admise à la Société Nationale des Beaux-Arts.


Jeune femme assise, 1930


Parallèlement à ce succès, la vie personnelle de Suzanne est rythmée par le problèmes de Maurice qui, balloté d'école en école, n'arrive pas à s'intégrer et, entre absenses répétées et violences, subit un échec scolaire. En 1900, c'en est définitivement fini de l'école pour lui. Rendu à lui-même, dans un quartier comme Montmartre, Maurice cède rapidemment aux appels de l'alcool. Son beau-père tente plusieurs fois de l'aider en lui trouvant une place grâce à ses relations, mais la personnalité de Maurice, ses accès de colère et de violence provoqués par l'abus d'alcool en addition à sa mauvaise santé nerveuse, font qu'il n'arrivera pas à garder un emploi. En proie à l'oisiveté, au sentiment d'inutilité, il sombre peu à peu dans la dépression qu'il soigne à coup de gorgées d'alcool. Presque par dépit, il s'essaie un jour à la peinture, entreprise vivement encouragée par les docteur et sa mère Suzanne.


Raminou assis sur une draperie, 1920


En 1909, Maurice présente à sa mère son meilleur ami, André Utter, peintre comme lui. Bien que son ainée de plus de 20 ans, une liaison commence rapidemment entre eux et le couple s'installe juste à côté de Mousis qui demande aussitôt le divorce et coupe les vivres à Suzanne. On imagine la réaction de Maurice, qui a tant souffert du rejet de sa mère étant plus jeune, en voyant son meilleur ami devenir l'amant de sa mère, puis son beau-père, puisque Suzanne et André finissent par se marier en 1914. 


Femme aux bas blancs, 1922


Maurice connait rapidement le succès avec ses toiles, mais ses crises d'éthylisme et ses accès de violence deviennent ingérables. Devenant un danger tant pour lui-même que pour son entourage, la valse des internements d'urgence dans des maisons de santé commence. Il en sera ainsi jusqu'à la fin de ses jours. Suzanne et André prennent alors en main les intérêts de Maurice, et gèrent pour lui négociations et autres à côté.


Le trio Valadon, Utter, Utrillo


Au début des années 30, le couple commence à battre sérieusement de l'aile. Tandis que Suzanne s'occupe de sa carrière, André lui ne se gène pas pour vivre quelques relations adultères. Vers 1935, le couple se sépare définitivement et Suzanne, à l'orgueil blessé tant par cette séparation que par l'éloignement de son fils, fraichement marié, loin de Paris, se renferme sur elle et noîe son amertume dans l'alcool. Elle meurt en 1938. Maurice, bouleversé par sa mort, n'assistera pas à ses funérailles.


Valadon, dans son atelier


Sources : Wikipedia, site officiel de Maurice Utrillo
Photos des oeuvres de S. Valadon : impressionism-art.org



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lundi 15 février 2010

Figures féminines de Montmartre - part. I/2 : La Goulue


Mon billet sur le Musée de Montmartre me donne l'occasion de parler des femmes marquantes de Montmartre. Je dois dire que, dans une époque où les femmes sont acculées à devenir épouse et mère au foyer qui, lorsque leur condition sociale l'exige souvent, n'ont d'autre perspective que de gagner un maigre salaire comme couturière, blanchisseuse, domestique dans le meilleur des cas, vendeuses de quatre saisons, vendeuse d'allumettes ou même prostituée dans le pire des cas, il est difficile de relever des occurences de femmes ayant marqué l'histoire de Montmartre.

Les deux femmes dont j'ai choisi de vous parler ont d'ailleurs commencé leur vie sur ce modèle banal de la petite blanchisseuse mais ont vu leur destin basculer par le hasard des rencontres, par le refus, ou l'impossibilité financière, de se conformer à un mode de vie "normal". La première est certainement LA figure féminine de Montmartre, connue mondialement ne serait-ce par les affiches que le peintre Toulouse-Lautrec a fait d'elle : j'ai nommé la Goulue, célèbre danseuse de cancan au Moulin-Rouge.  

De son vrai nom Louise Weber, la "Goulue" nait à Clichy en 1866, d'une mère blanchisseuse. A 16 ans, sans surprise, elle commence à travailler avec sa mère, et une fois le soir venu, elle "emprunte" les robes des clientes pour courrir les bals alentours puis les établissements comme le Grand Vefour ou l'Elysée Montmartre. Sa gouaille et son entrain canaille la font vite remarquer.

Un jour elle y fait la connaissance du peintre Auguste Renoir qui lui propose de poser pour lui. De modèle à prostituée, il n'y a qu'un pas qu'elle franchit rapidement. Un soir, elle se fait repérer par le directeur du Moulin-Rouge qui l'engage aussitôt. Elle devient alors la reine des lieux.



Les hommes se pressent au premier pour la voir, elle et ses compères Grille d'Egoût, Nini-patte-en-l'air ou encore la môme fromage, pour ne citer qu'elles, exhiber, à tours de jupons relevés lors de chahuts et de cancans endiablés, un bout de leur culotte, et pour avoir le plaisir de se faire ôter leur chapeau d'un coup de pied habile.

L'intérieur du Moulin Rouge, 1906

Qu'on ne s'y trompe pas, le Moulin-Rouge a une clientèle des plus hétéroclites : du rapin sans le sou au notable et son épouse venus s'encanailler, en passant par le Prince de Galles, c'est le tout Paris qui s'y presse. D'ailleurs la Goulue, immortalisée alors par le peintre Toulouse-Lautrec pour les affiches du Moulin-Rouge, gagne bien sa vie, ce qui lui permet de s'offrir une belle maison avec jardin à Montmartre. Mais sa célébrité et sa richesse lui montent à la tête, elle a un caractère insupportable, se permet d'apostropher les grands de ce monde, et a la main lourde sur la bouteille (d'où notamment son surnom de la Goulue).



En 1895, elle décide de quitter le Moulin-Rouge et investit sa fortune dans une baraque foraine, croyant à la réussite sur la seule présence de son nom. C'est un échec total. La même année, elle donne naissance à un fils, né de père inconnu (il s'agit rien moins que d'un prince selon elle). Quelques années plus tard, on la retrouve dans des numéros de domptage de lions, en association avec Pezon d'abord, puis avec son mari, un magicien devenu dompteur qu'elle a épousé en 1900. Suite à un drame au cours duquel un des lions agresse son mari, ils ferment boutique. C'est la déchéance la plus totale.


Elle engloutit ses dernières économies dans la boisson et la fête. En 1914, son mari, dont elle s'est séparée entre temps, meurt à la guerre, puis, en 1923, c'est son fils qui décède. Sa vie se finit dans l'alcolisme et la misère. Elle vit dans une roulotte à St-Ouen, vend des cigarettes et des allumettes dans la rue où parfois quelques passants reconnaissent dans cette vieille femme, grosse et édentée, l'ex-reine de Paris. Elle décède finalement en 1923 à l'hôpital Lariboisière, à l'âge de 63 ans, et dans une quasi indifférence.

Destin tristement célèbre que celui de La Goulue. Elle aura ces quelques mots avant sa mort : "Mon père, est-ce que le Bon Dieu me pardonnera ? Y aura-t-il une place pour moi au ciel. C'est que je suis la Goulue."



NdlA : Si vous aimez le Montmartre de l'époque, celui de l'âge d'or des peintres et des cabarets, plongez-vous dans Le Carrefour des écrasés de Claude Izner. Ce roman de la série "Grands Détectives", édité chez 10/18, sous prétexte de vous divertir, est une mine d'informations sur le quotidien de cette époque et vous fera entrer dans l'enceinte du Moulin-Rouge où vous rencontrerez la Goulue.






Sources et photos : Wikipedia et Du temps des cerises aux feuilles mortes et Parisienne de Photographie



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dimanche 14 février 2010

Madeleine VIONNET, la méconnue


J'en ai parlé dans mon billet consacré à CHANEL, Madeleine VIONNET est l'une des autres grandes figures de la mode au début du XXème siècle. Malheureusement, et contrairement à sa consoeur, elle tombera dans l'oubli suite à la fermeture de sa maison de couture, en 1939. C'est d'autant plus regrettable que son travail, tout comme celui de Chanel, s'inscrit dans un mouvement de libération et d'émancipation de la femme passant par la libération du corps des entraves du vêtement.

En effet, comme Chanel, Vionnet est une féministe avant l'heure, et entend bien s'affranchir de sa condition de femme soumise. Ainsi, à la fin du XIXème siècle, elle n'hésite à quitter son mari pour mener son chemin et parfaire son apprentissage de la couture en Angleterre, avant de rentrer à Paris où elle sera engagée par la maison des soeurs Callot (elles aussi tombées dans l'oubli le plus total aujourd'hui).

A propos des soeurs Callot, Vionnet a eu ce mot : "Grâce [à elles], j'ai pu faire des Rolls Royce. Sans elles, j'aurais fait des Ford". Cet hommage aux soeurs Callots ne cacherait-il pas en réalité une pique destinée à sa concurrente Chanel dont la fameuse petite robe noire fut baptisée la "Ford de Chanel"...


Contrairement aux idées reçues, ce n'est pas Chanel mais bien Madeleine Vionnet fut la première à faire tomber le corset (qu'elle qualifie d'"orthopédique"), à la fin des années 1900, alors qu'elle travaille à la maison DOUCET. Jacques Doucet apprécie peu ce changement et, suite à plusieurs divergences stylistiques, malgré le grand succès que remportent ses créations auprès du public, Vionnet quitte la maison Doucet et ouvre sa propre maison en 1912, rue de Rivoli. C'est le succès immédiat, succès qui lui permet d'ouvrir, en 1924, une deuxième boutique à New York.


Vionnet entend bien, débarrasser le vêtement féminin de toutes ses franfreluches inutiles, en préférant la simplicité. Faisant preuve d'une maîtrise technique rare, elle axe alors son travail sur la recherche de la pureté des lignes. Ce travail de la forme et de la géométrie, cette pureté dans l'architecture du vêtement la rapproche notamment de la recheche stylistique d'un Le Corbusier. Son style sera marqué par l'utilisation de coupes en biais et de drapés, deux techniques parfaitement maîtrisées qui lui permettent de donner à ses créations un tombé d'une perfection et d'une légèreté nouvelle, de libérer le corps féminin tout en mettant ses formes en valeur.


Lassée de voir ses modèles copiés, Vionnet n'hésite pas à trainer ses contrefacteurs devant les tribunaux au cours d'u procès qui restera dans les annales et qui donnera naissance à la notion de protection de la propriété intellectuelle : la griffe et le copyright étaient nés.

Robe de soir, 1924
Photo Linternaute.com

Autre innovation, sur le plan social cette fois-ci, Vionnet, en femme moderne et avant-gardiste, offre à ses employées de bénéficier des services d'une crèche et de soins médicaux à demeure, ainsi que des congés bien au-delà des normes sociales de l'époque (c'est-à-dire quasi inexistants avant la loi de 1936).

Robes du soir VIONNET, 1938
Photos metmuseum

En 1939, à l'aube de la Première Guerre Mondiale, lasse du chaos et de la folie d'un monde qui se déchire, Vionnet, alors agée de 63 ans et au sommet de sa gloire, décide de prendre sa retraite. L'année suivante, la maison Vionnet est mise en liquidation judiciaire, les employés (plus de 800) sont tous licenciés, c'est la fin d'une histoire. En 1952, elle fera don, au Musée du Costume, d'une collection extraordinaire réunissant quelques 120 robes, plus de 700 patrons et autres albums de copyrights qu'elle a pris soin d'établir. Cette collection est aujourd'hui conservée par le Musée des Arts Décoratifs de Paris qui lui a consacré une magnifique exposition en 2009.


Photos extraites du catalogue de l'exposition du Musée des Arts Décoratifs, sauf mention contraire
Sources : Wikipedia et Musée des Arts décoratifs

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samedi 13 février 2010

La révolution CHANEL

Et puisque j'ai commencé ce blog en faisant référence à mademoiselle CHANEL, c'est elle qui fournira donc matière à mon premier article.

Je ne vous retracerai pas la biographie de Gabrielle CHANEL, alias COCO CHANEL, les autres s'en sont chargé pour moi : 2009 fut L'Année COCO CHANEL, avec son cortège de biographies, de beaux-livres, de biopics télé, sans compter le fameux long-métrage avec Audrey Tautou. Tout cela avec plus ou moins d'exactitude et de réussite certes, mais cela aura eu l'avantage de vous avoir familiarisé avec "le monstre".

Quand j'emploie le terme "monstre", ce n'est pas tant pour faire référence à son légendaire mauvais caractère que pour parler d'une créatrice acharnée de travail qui, si l'on en croit l'Histoire, a tout balayé sur son passage en établissant de nouvelles normes.

J'ai rendu au corps des femmes sa liberté; ce corps suait dans des habits de parade, sous les dentelles, les corsets, les dessous, le rembourrage
Difficile de comprendre le travail novateur de Chanel si on ne connait pas la mode et les usages de l'époque. Au début du XXème siècle, la mode féminine était, il faut le dire, une cage dorée. Très jolie, très élégante, mais pas pratique pour un sous (cela dit on ne demandait pas aux femmes autre chose que d'être élégantes). Une tenue se composait tout d'abord pour la partie "dessous" d'un corset, de pantalons (l'ancêtre de la culotte actuelle), de jupons, et de bas. Puis par-dessus venaient s'ajouter la robe, parfois un faux col, les gants, et le chapeau (cela ne se fait pas de sortir "en cheveux") souvent réhaussé de plumes et autres décorations. Le corset très serré afin d'amincir la taille (parfois jusqu'à déformer le corps) limitait les mouvements de celle qui le portait, et il n'est pas rare de voir certaines femmes s'évanouir tant le corset les oppressait.

Chanel a bien compris que l'émancipation de la femme devait tout d'abord passer par une libération du corps. Abolition du corset, simplification de la tenue, choix de matière et de coupes souples, bref, des vêtement à vivre. Pour autant, le chic et l'élégance restent de mise en ne négligeant surtout pas les bijoux et les accessoires.

A ceux qui l'ont taxée de faire de la couture "pauvre" à cause de la simplicité des coupes et des tissus qu'elle emploie (par exemple le jersey, tissu qui servait à confectionner les maillots des militaires, qu'elle a acheté pendant la pénurie de tissu en temps de guerre, le tweed plus tard, ou ses bijoux en toc), elle leur rétorquera qu'il ne faut pas confondre simplicité à pauvreté. Le mouvement "less is more" avant l'heure s'il en est.

Robes de jour CHANEL, 1923 et 1927
Photo Metmuseum

Chanel voulait une mode confortable et élégante qui permette aux femmes de vivre, de bouger, de travailler, bref une mode qui ne s'attache pas seulement à l"apparat, loin de la femme objet, une mode qui "descende dans la rue" et pour cela elle a su mélanger les codes masculin/féminin. Sa signature la plus évocatrice reste certaine le fameux "tailleur Chanel", crée dans les années 50 et pourtant indémodable. Cette veste n'est pourtant rien d'autre que l'adaptation d'une simple veste militaire, faite en tweed, à laquelle elle a rajouté des boutons dorés.

Aujourd'hui, il est du plus chic effet de marier une veste de tailleur Chanel avec un jean. Je suis sûre que "mademoiselle" ne s'en serait pas offusquée : après tout le jean était à l'origine un tissu servant à confectionner des vêtements ouvriers (le jean, appelé aussi Denim pour "toile de Nimes", était le pantalon des chercheurs d'or aux Etats-Unis), tout comme le Jersey que Chanel a détourné de sa fonction première pour confectionner ses tailleurs.

On le voit, les grandes idées ne sont pas forcément les plus compliquées. Le grand mérite de Chanel, c'est qu'elle a su adapter le vêtement au corps, et non plus l'inverse, et répondre ainsi à un besoin : celui d'une femme dont le statut changeait. C'est cela la révolution Chanel.

Mais c'est bien connu, l'Histoire refait les légendes. Sans vouloir polémiquer, ni enlever un quelconque mérite à Coco Chanel, il convient tout de même de rectifier certaines fausses idées reprises notamment dans le film "Coco avant Chanel". Ce film a su replacer le parcours créateur de Coco Chanel dans son contexte, en expliquant comment et pourquoi est né le style CHANEL. Pourtant, à trop vouloir prendre partie, on se perd parfois dans l'inexactitude (la réalisatrice du film a d'ailleurs reconnu avoir changé quelques faits biographiques pour rester dans l'esprit conducteur).

CHANEL ne fut pas la seule à oeuvrer pour la libération des corps et parallèlement à l'émancipation de la femme. Ainsi donc, rendons à César ce qui est à César, ce n'est pas elle qui fut l'instigatrice de l'abolition du corset mais Madeleine VIONNET, grande couturière innovatrice, malheureusement tombée dans l'oubli (heureusement cette injustice a été réparée l'année dernière par une magnifique exposition de ses créations). C'est elle qui a, la première, dans les années 1900 alors qu'elle travaillait chez la maison DOUCET,  non seulement dégagé le corset, mais également libéré le corps de la femme en créant des robes à coupes souples grâce à des effets de drapés. Elle a ensuite été suivie par son confrère Paul POIRET (et oui, le fameux Paul POIRET tant vilipendé dans le film Coco avant Chanel et par Chanel elle-même en son temps). Mais je vous parlerai de VIONNET et de POIRET un autre jour..



Photos d'époque avec l'aimable autorisation de la Parisienne de Photographie

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