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jeudi 18 février 2010

Figures féminines de Montmartre - part. 2/2 : Suzanne VALADON


Après la Goulue, la seconde figure féminine marquante de Montmartre dont j'ai choisi de vous parler est le peintre Suzanne VALADON. Il y a de fortes chances que vous la connaissiez déjà sans même le savoir puisqu'elle a servi de modèle pour de nombreux tableaux, désormais célèbres, de ses amis peintres Toulouse-Lautrec, Degas et Renoir. Son nom et son travail, en revanche, ne vous diront peut-être rien, l'histoire ayant préféré faire la lumière sur ses confrères masculins, fait d'autant plus regrettable que son oeuvre est d'une grande qualité et n'a rien à envier à certains, et si d'aventure on fait référence à d'elle, c'est souvent en tant que mère du peintre Maurice Utrillo. En 2009, la Pinacothèque de Paris a réalisé une exposition consacrée à Valadon, mais encore une fois en face à face avec Utrillon (Au tournant du siècle à Montmartre, Valadon Utrillo, de l’Impressionnisme à l’École de Paris). Un tel choix peut agacer car, s'il est certain que la biographie de Suzanne ne peut être séparée de celle de son fils, et vice versa, en ce qui concerne son oeuvre, elle mérite d'être reconnue en tant que telle, qu'on lui donne une place à part entière, et non une sempiternelle mise en apposition..


Jeune femme assise, 1930


De son vrai nom Marie Clémentine Valade, Suzanne Valadon voit le jour en 1865 dans un village de la Haute-Vienne. Elle est issue d'une histoire sans lendemain  et nait donc de père inconnu. Le scandale provoqué par cette naissance oblige sa mère, dont la réputation a déjà été entachée par la condamnation de son défunt mari au bagne à perpétuité pour traffic de fausse monnaie, à quitter son village. Elle décide alors de refaire sa vie à Paris où elle s'installe dans le quartier de Montmartre avec sa fille, et reprend un commerce de blanchisserie. Suzanne, turbulente et caractérielle, est placée dans une institution religieuse, mais happée par le désir de liberté, elle s'en échappera vite. Elle trouve alors une place d'apprentie dans une maison de haute-couture, puis sa personnalité fantasque aidant, elle décide, à 15 ans, de devenir acrobate de cirque jusqu'à ce qu'une mauvaise chute l'oblige à mettre fin à cette "carrière". Elle travaille alors dans la blanchisserie de sa mère et fait rapidemment quelques à côté comme modèle, ce qui lui permet de faire la connaissance des artistes et de leur mode de vie bohème qui sied à merveille à sa personnalité hors norme.


Nu à la couverture rayée, 1922


Pour autant, Suzanne, puisque c'est ainsi qu'elle se fait appeler désormais, a de l'ambition. De hautes ambitions. Elle compte bien quitter cette condition sociale qui est la sienne, et veut par tous les moyens qu'on l'aime, qu'on l'admire. Malheureusement pour elle, un événement va quelque peu contrarier ses plans : en 1883, à peine âgée de 18 ans, à la suite d'une histoire de passage, elle tombe enceinte et donne naissance à un fils, Maurice, né de père inconnu. Qu'à cela ne tienne, trop occupée à vivre sa vie, elle confie son fils aux soins de sa mère. Convulsions, échec scolaire, maladie des nerfs, le fragile Maurice souffre de l'absence et du désintéret de sa mère.


La chambre bleue, 1923


Pendant ce temps là, Suzanne pose pour Renoir, Toulouse-Lautrec ou encore Degas. Dans les ateliers des peintres, elle observe et apprend. Elle commence déjà à faire quelques dessins à la sanguine. Vocation ou simple désir de se mêler à son entourage, toujours est-il que Degas, qui voit son travail, l'encourage alors à continuer dans cette voie. Toute sa vie durant, il lui prodiguera amitié et soutien indéfectibles..


Autoportrait, 1927

En 1889, à l'occasion de l'exposition universelle qui se tient à Paris, Suzanne renoue avec un de ses anciens amants, Miquel Utrillo y Morlius qui, 3 ans plus tard reconnaitra Maurice comme son fils. Mais la rencontre, en 1893, de Suzanne avec le compositeur Erik Satie marque la fin de leur relation.


Erik Satie, 1893

Elle fait alors un portrait de Satie, sa première huile. L'année suivante, elle rencontre Paul Mousis, un riche homme d'affaire qu'elle épousera 2 ans plus tard. Le couple s'installe dans une grande maison de Montmartre avec un atelier pour Suzanne qui, stabilisée par cette relation, se consacre désormais entièrement à sa peinture.  Et c'est peu de le dire car, en grande perfectionniste, la création d'un tableau peut lui prendre plusieurs années. Suzanne tente d'exposer à l'exposition de la Nationale de 1895 et devient ainsi la première femme admise à la Société Nationale des Beaux-Arts.


Jeune femme assise, 1930


Parallèlement à ce succès, la vie personnelle de Suzanne est rythmée par le problèmes de Maurice qui, balloté d'école en école, n'arrive pas à s'intégrer et, entre absenses répétées et violences, subit un échec scolaire. En 1900, c'en est définitivement fini de l'école pour lui. Rendu à lui-même, dans un quartier comme Montmartre, Maurice cède rapidemment aux appels de l'alcool. Son beau-père tente plusieurs fois de l'aider en lui trouvant une place grâce à ses relations, mais la personnalité de Maurice, ses accès de colère et de violence provoqués par l'abus d'alcool en addition à sa mauvaise santé nerveuse, font qu'il n'arrivera pas à garder un emploi. En proie à l'oisiveté, au sentiment d'inutilité, il sombre peu à peu dans la dépression qu'il soigne à coup de gorgées d'alcool. Presque par dépit, il s'essaie un jour à la peinture, entreprise vivement encouragée par les docteur et sa mère Suzanne.


Raminou assis sur une draperie, 1920


En 1909, Maurice présente à sa mère son meilleur ami, André Utter, peintre comme lui. Bien que son ainée de plus de 20 ans, une liaison commence rapidemment entre eux et le couple s'installe juste à côté de Mousis qui demande aussitôt le divorce et coupe les vivres à Suzanne. On imagine la réaction de Maurice, qui a tant souffert du rejet de sa mère étant plus jeune, en voyant son meilleur ami devenir l'amant de sa mère, puis son beau-père, puisque Suzanne et André finissent par se marier en 1914. 


Femme aux bas blancs, 1922


Maurice connait rapidement le succès avec ses toiles, mais ses crises d'éthylisme et ses accès de violence deviennent ingérables. Devenant un danger tant pour lui-même que pour son entourage, la valse des internements d'urgence dans des maisons de santé commence. Il en sera ainsi jusqu'à la fin de ses jours. Suzanne et André prennent alors en main les intérêts de Maurice, et gèrent pour lui négociations et autres à côté.


Le trio Valadon, Utter, Utrillo


Au début des années 30, le couple commence à battre sérieusement de l'aile. Tandis que Suzanne s'occupe de sa carrière, André lui ne se gène pas pour vivre quelques relations adultères. Vers 1935, le couple se sépare définitivement et Suzanne, à l'orgueil blessé tant par cette séparation que par l'éloignement de son fils, fraichement marié, loin de Paris, se renferme sur elle et noîe son amertume dans l'alcool. Elle meurt en 1938. Maurice, bouleversé par sa mort, n'assistera pas à ses funérailles.


Valadon, dans son atelier


Sources : Wikipedia, site officiel de Maurice Utrillo
Photos des oeuvres de S. Valadon : impressionism-art.org



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lundi 15 février 2010

Figures féminines de Montmartre - part. I/2 : La Goulue


Mon billet sur le Musée de Montmartre me donne l'occasion de parler des femmes marquantes de Montmartre. Je dois dire que, dans une époque où les femmes sont acculées à devenir épouse et mère au foyer qui, lorsque leur condition sociale l'exige souvent, n'ont d'autre perspective que de gagner un maigre salaire comme couturière, blanchisseuse, domestique dans le meilleur des cas, vendeuses de quatre saisons, vendeuse d'allumettes ou même prostituée dans le pire des cas, il est difficile de relever des occurences de femmes ayant marqué l'histoire de Montmartre.

Les deux femmes dont j'ai choisi de vous parler ont d'ailleurs commencé leur vie sur ce modèle banal de la petite blanchisseuse mais ont vu leur destin basculer par le hasard des rencontres, par le refus, ou l'impossibilité financière, de se conformer à un mode de vie "normal". La première est certainement LA figure féminine de Montmartre, connue mondialement ne serait-ce par les affiches que le peintre Toulouse-Lautrec a fait d'elle : j'ai nommé la Goulue, célèbre danseuse de cancan au Moulin-Rouge.  

De son vrai nom Louise Weber, la "Goulue" nait à Clichy en 1866, d'une mère blanchisseuse. A 16 ans, sans surprise, elle commence à travailler avec sa mère, et une fois le soir venu, elle "emprunte" les robes des clientes pour courrir les bals alentours puis les établissements comme le Grand Vefour ou l'Elysée Montmartre. Sa gouaille et son entrain canaille la font vite remarquer.

Un jour elle y fait la connaissance du peintre Auguste Renoir qui lui propose de poser pour lui. De modèle à prostituée, il n'y a qu'un pas qu'elle franchit rapidement. Un soir, elle se fait repérer par le directeur du Moulin-Rouge qui l'engage aussitôt. Elle devient alors la reine des lieux.



Les hommes se pressent au premier pour la voir, elle et ses compères Grille d'Egoût, Nini-patte-en-l'air ou encore la môme fromage, pour ne citer qu'elles, exhiber, à tours de jupons relevés lors de chahuts et de cancans endiablés, un bout de leur culotte, et pour avoir le plaisir de se faire ôter leur chapeau d'un coup de pied habile.

L'intérieur du Moulin Rouge, 1906

Qu'on ne s'y trompe pas, le Moulin-Rouge a une clientèle des plus hétéroclites : du rapin sans le sou au notable et son épouse venus s'encanailler, en passant par le Prince de Galles, c'est le tout Paris qui s'y presse. D'ailleurs la Goulue, immortalisée alors par le peintre Toulouse-Lautrec pour les affiches du Moulin-Rouge, gagne bien sa vie, ce qui lui permet de s'offrir une belle maison avec jardin à Montmartre. Mais sa célébrité et sa richesse lui montent à la tête, elle a un caractère insupportable, se permet d'apostropher les grands de ce monde, et a la main lourde sur la bouteille (d'où notamment son surnom de la Goulue).



En 1895, elle décide de quitter le Moulin-Rouge et investit sa fortune dans une baraque foraine, croyant à la réussite sur la seule présence de son nom. C'est un échec total. La même année, elle donne naissance à un fils, né de père inconnu (il s'agit rien moins que d'un prince selon elle). Quelques années plus tard, on la retrouve dans des numéros de domptage de lions, en association avec Pezon d'abord, puis avec son mari, un magicien devenu dompteur qu'elle a épousé en 1900. Suite à un drame au cours duquel un des lions agresse son mari, ils ferment boutique. C'est la déchéance la plus totale.


Elle engloutit ses dernières économies dans la boisson et la fête. En 1914, son mari, dont elle s'est séparée entre temps, meurt à la guerre, puis, en 1923, c'est son fils qui décède. Sa vie se finit dans l'alcolisme et la misère. Elle vit dans une roulotte à St-Ouen, vend des cigarettes et des allumettes dans la rue où parfois quelques passants reconnaissent dans cette vieille femme, grosse et édentée, l'ex-reine de Paris. Elle décède finalement en 1923 à l'hôpital Lariboisière, à l'âge de 63 ans, et dans une quasi indifférence.

Destin tristement célèbre que celui de La Goulue. Elle aura ces quelques mots avant sa mort : "Mon père, est-ce que le Bon Dieu me pardonnera ? Y aura-t-il une place pour moi au ciel. C'est que je suis la Goulue."



NdlA : Si vous aimez le Montmartre de l'époque, celui de l'âge d'or des peintres et des cabarets, plongez-vous dans Le Carrefour des écrasés de Claude Izner. Ce roman de la série "Grands Détectives", édité chez 10/18, sous prétexte de vous divertir, est une mine d'informations sur le quotidien de cette époque et vous fera entrer dans l'enceinte du Moulin-Rouge où vous rencontrerez la Goulue.






Sources et photos : Wikipedia et Du temps des cerises aux feuilles mortes et Parisienne de Photographie



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dimanche 14 février 2010

Le Musée de Montmartre ne mourra pas

Il y a quelques mois, on apprenait que les élus des Mairies du 18° arrondissement et de Paris avaient décidé d'annuler, pour cause de "gestion chaotique", leurs subventions qu'ils accordaient jusqu'alors au Musée de Montmartre, le mettant ainsi en péril. Cette décision a provoqué un tollé auprès du public qui s'est mobilisé pour faire connaitre son mécontentement (la pétition a réuni plus de 10000 signatures).

Qu'on se réjouisse : la Mairie de Paris est finalement revenue sur sa décision. Le Musée ne mettre donc pas la clef sous la porte, en tout cas pour le moment. Car s'il peut rester ouvert, c'est surtout grâce à l'intervention d'un mécène qui, en injectant des capitaux, a permis au Musée de rassurer la mairie quant à sa situation financière à court et moyen terme.

Ce petit musée au charme suranné, fondé par la "société du Vieux Montmartre" et installé depuis 1960 rue Cortot, dans l'une des dernières demeures (et la plus ancienne) du quartier, entourée d'un jardin d'Eden, nous rappelle qu'avant de devenir ce quartier hyper-touristique qu'il est aujourd'hui, Montmartre n'était qu'un petit village où, il n'y a pas encore si longtemps, les ailes des moulins fendaient le ciel et les raisins des vignes pentues mûrissait au soleil.

Il retrace ainsi, à travers ses différentes collections et expositions temporaires, toute l'histoire de ce village rattaché à la ville de Paris en 1860, en accordant bien sûr une place particulière à ce qui lui a donné son image de marque : l'âge d'or d'un style de vie bohème et canaille marqué par les cabarets et autres lieux colorés (Le Chat Noir, Le Lapin Agile, Le Moulin Rouge) et les nombreux peintres (Toulouse-Lautrec, Van Gogh pour ne citer qu'eux) qui y installent leurs ateliers. 


 

Ce musée est un véritable bijou, n'attendez pas qu'il soit à nouveau en passe de fermer ses portes pour le visiter.

Musée de Montmartre
12 rue Cortot, Paris 18°

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