J'en ai parlé dans mon billet consacré à CHANEL, Madeleine VIONNET est l'une des autres grandes figures de la mode au début du XXème siècle. Malheureusement, et contrairement à sa consoeur, elle tombera dans l'oubli suite à la fermeture de sa maison de couture, en 1939. C'est d'autant plus regrettable que son travail, tout comme celui de Chanel, s'inscrit dans un mouvement de libération et d'émancipation de la femme passant par la libération du corps des entraves du vêtement.
En effet, comme Chanel, Vionnet est une féministe avant l'heure, et entend bien s'affranchir de sa condition de femme soumise. Ainsi, à la fin du XIXème siècle, elle n'hésite à quitter son mari pour mener son chemin et parfaire son apprentissage de la couture en Angleterre, avant de rentrer à Paris où elle sera engagée par la maison des soeurs Callot (elles aussi tombées dans l'oubli le plus total aujourd'hui).
A propos des soeurs Callot, Vionnet a eu ce mot : "Grâce [à elles], j'ai pu faire des Rolls Royce. Sans elles, j'aurais fait des Ford". Cet hommage aux soeurs Callots ne cacherait-il pas en réalité une pique destinée à sa concurrente Chanel dont la fameuse petite robe noire fut baptisée la "Ford de Chanel"...
Contrairement aux idées reçues, ce n'est pas Chanel mais bien Madeleine Vionnet fut la première à faire tomber le corset (qu'elle qualifie d'"orthopédique"), à la fin des années 1900, alors qu'elle travaille à la maison DOUCET. Jacques Doucet apprécie peu ce changement et, suite à plusieurs divergences stylistiques, malgré le grand succès que remportent ses créations auprès du public, Vionnet quitte la maison Doucet et ouvre sa propre maison en 1912, rue de Rivoli. C'est le succès immédiat, succès qui lui permet d'ouvrir, en 1924, une deuxième boutique à New York.
Vionnet entend bien, débarrasser le vêtement féminin de toutes ses franfreluches inutiles, en préférant la simplicité. Faisant preuve d'une maîtrise technique rare, elle axe alors son travail sur la recherche de la pureté des lignes. Ce travail de la forme et de la géométrie, cette pureté dans l'architecture du vêtement la rapproche notamment de la recheche stylistique d'un Le Corbusier. Son style sera marqué par l'utilisation de coupes en biais et de drapés, deux techniques parfaitement maîtrisées qui lui permettent de donner à ses créations un tombé d'une perfection et d'une légèreté nouvelle, de libérer le corps féminin tout en mettant ses formes en valeur.
Lassée de voir ses modèles copiés, Vionnet n'hésite pas à trainer ses contrefacteurs devant les tribunaux au cours d'u procès qui restera dans les annales et qui donnera naissance à la notion de protection de la propriété intellectuelle : la griffe et le copyright étaient nés.
Robe de soir, 1924
Photo Linternaute.com
Autre innovation, sur le plan social cette fois-ci, Vionnet, en femme moderne et avant-gardiste, offre à ses employées de bénéficier des services d'une crèche et de soins médicaux à demeure, ainsi que des congés bien au-delà des normes sociales de l'époque (c'est-à-dire quasi inexistants avant la loi de 1936).
Robes du soir VIONNET, 1938
En 1939, à l'aube de la Première Guerre Mondiale, lasse du chaos et de la folie d'un monde qui se déchire, Vionnet, alors agée de 63 ans et au sommet de sa gloire, décide de prendre sa retraite. L'année suivante, la maison Vionnet est mise en liquidation judiciaire, les employés (plus de 800) sont tous licenciés, c'est la fin d'une histoire. En 1952, elle fera don, au Musée du Costume, d'une collection extraordinaire réunissant quelques 120 robes, plus de 700 patrons et autres albums de copyrights qu'elle a pris soin d'établir. Cette collection est aujourd'hui conservée par le Musée des Arts Décoratifs de Paris qui lui a consacré une magnifique exposition en 2009.
Photos extraites du catalogue de l'exposition du
Musée des Arts Décoratifs, sauf mention contraire
Sources : Wikipedia et Musée des Arts décoratifs